
Témoignage d'Ida Grinspan
Afin de préparer notre voyage, nous sommes allés à Paris visiter également le Mémorial de la Shoah où nous avons eu la chance de pouvoir écouter le témoignage de Madame Ida Grinspan, survivante juive ayant été déportée à Auschwitz . Elle nous a raconté son histoire, ses périples et ses ressentis, un moment fort en émotions, rien n'est plus concret pour comprendre et savoir ce qui s'est réellement déroulé dans le camp d'Auschwitz où nous sommes aussi allés.
Ida Grinspan est née le 19 novembre 1929 à Paris, de parents juifs polonais qui avaient fui l'antisémitisme cinq ans auparavant. Elle est de nationalité française par déclaration volontaire de ses parents, elle a également un frère né en 1924. Son père est, alors un artisan-tailleur du dix-neuvième arrondissement de Paris. La famille habite rue Clavel. Ses parents lui ont inculqué la culture juive et le Yiddish, un mélange d'Allemand et d'Hébreu ce qui l'aidera plus tard dans le camp. En 1940, les Allemands envahissent la France, Ida a dix ans et demi, elle est envoyée, pour plus de sécurité, à la campagne dans les Deux-Sèvres. Dès le printemps 1940, elle vit chez une famille de fermiers, Alice et Paul Marché, dans le hameau de Lié, et fréquente l’école de Sompt. Il y a beaucoup moins de pressions de la part des Allemands à la campagne que dans les grandes villes; elle y restera deux ans.
En juillet 1942 elle reçoit une lettre de son père qui lui mentionne que sa mère a été déportée. Le 15 juillet, un bouche à oreilles s'est propagé rapidement sur la rafle organisée le lendemain. Le 16 juillet, c'est la rafle la plus marquante de l'Histoire celle du Vel d'Hiv, la plus grande arrestation massive de Juifs réalisée en France pendant la Seconde Guerre mondiale, essentiellement de Juifs étrangers ou réfugiés en France suite à l'opération « Vent Printanier ». En France, le régime de Vichy mobilise la police française pour participer à l'opération à Paris. Le 17 juillet, en fin de journée, le nombre d'arrestations dans Paris et la banlieue était de 13 152 dont 4 115 enfants. Moins de cent personnes, dont aucun enfant, survécurent à la déportation. Ida ayant été prévenue, s'est enfuie. Des éclaireurs scouts juifs et les "justes" (plus de 4000 en France) ont aidé pour héberger les enfants et les cacher. Dans la nuit du 30 au 1er février vers 00h15, les Allemands viennent la chercher, elle est alors âgée de 14 ans et 2 mois. Elle se laisse emmener car les gendarmes lui avaient dis que si elle en les suivaient pas, ils emmenaient sa nourice ainsi que son mari. Elle décide aussi de suivre les gendarmes pour tenter de revoir sa mère partie au camp quelques années plus tôt. Les gendarmes la questionnent sur l’existence et l'adresse de son père, elle ne dit rien. Elle est donc emmenée à la gare pour être déportée avec 58 autres personnes vers le camp d'internement de Drancy. Le train mettra 8 jours pour y parvenir. En arrivant, elle apprend qu'elle va partir travailler en Allemagne et retrouver sa mère, ce qui est évidemment faux, cependant c'est une enfant... Après Drancy elle est envoyée a Bobigny qui est une gare de marchandises où elle est attendue par un soldat SS, elle est transportée dans le dernier convoi le n° 77, celui du 31 juillet 1944. Ses deux parents ont été assassinés à Auschwitz.
Le voyage dans le wagon est très dur, seulement un sceau d'eau et une grande cuve servant de latrine. Une solidarité s'est donc mis en place dans ce train. Très vite ils ont manqué d'eau, elle nous décrit une odeur insoutenable et nauséabonde. Le voyage jusqu’à Auschwitz dure 3 jours et 3 nuits. Elle raconte que dans un train, il y a 1500 personnes et à l'arrivée 210 hommes et 61 femmes sont choisis pour aller travailler, le reste est envoyé dans les chambres à gaz... Arrivée à Auschwitz, elle est accueillie par des cris et des aboiements, un déporté lui dit "il faut tout laisser sur place" puis les femmes sont séparées des hommes. Ils sont rassemblés en tête du train et la commence une sélection entre les femmes, celles fatiguées partent pour les chambres à gaz. Ida viellie par sa coiffure ressemble à 14 ans à une adulte et donc l'officier SS la laisse passer du coté des femmes qui allaient travailler dans le camp et elle a donc marché jusqu’à Birkenau sous la neige. Une "capos" femme ordonne à Ida de se déshabiller comme les autres femmes, elle est battue car elle demande "qu'est-ce qu'on fait de mes vêtements", il fait très froid. Par peur des maladies, les Allemands leur rasent la tête. Chaque prisonnier est tatoué et donc perd toute identité. Puis, elle est envoyée à la douche, une douche glacée. Ils leur ont donné des vêtements fins et des chaussures non adaptées à sa pointure. La solidarité a fait qu'elles se sont organisées pour faire des échanges. Le soir, arrive la soupe qu'Ida boude. Elle reçoit un tissu blanc signifiant qu'elle est juive. Ils travaillent de 6h à 18h sans manger suffisamment. Ce qui les affaiblit au point où de nombreuses personnes meurent. Ce périple dure jusqu'au 18 janvier 1945 où un chef de baraque dit à ses occupants "on s'en va, les Russes arrivent!". Ils partent au soleil couchant, il neige, cette marche s'appelle "la marche de la mort". Simone Veil en fait églament partie ainsi qu'une partie de sa famille. Près de 50% des personnes sont mortes des conditions climatiques mais surtout de l'acharnement des SS sur les rescapés, ils sont battus à mort avec des coups de crosses de fusils. La solidarité a encore une fois sauvé Ida puisque affaiblie, des personnes se sont reléguées pour lui venir en aide en la portant pour qu'elle aille jusqu'au bout. Cette marche les mène jusqu'au camp de Ravensbrück où ils ont terminé le voyage en train. Dans ce camp, il n'y a pas de chambre à gaz . Ne sentant plus ses pieds, elle est transportée à l'infirmerie et prise en charge pas une infirmière orthopédiste qui va lui redonner l'usage de ses pieds au bout de 2 mois et demi.
Le 30 avril, les Allemands sont partis du camp et l'infirmerie est le lieu oublié. Ida et d'autres se retrouvent donc seuls. Les Américains arrivent dans le camp et viennent ensuite les Soviétiques qui la sortent de là en brouette pour la transporter dans l'hôpital Allemand pris par les soviétiques.
Ensuite, elle part en Suisse pendant 17 mois avant de revenir en France à 17 ans.
Son enfance est meurtrie par d'innombrables choses horribles mais elle s'en sort et c'est sans doute la plus belle chose qui puisse lui arriver.
Ce témoignage a été très émouvant au point que chacun a pu s'imaginer au travers du témoignage d'Ida la vie des détenus. Chacun de nous est resté sans voix face à cette femme charismatique et forte que nous avions en face de nous. Cétait poignant et restera inoubliable.
